Le cinéma: une plongée dans un univers

La salle obscure à notre service

Lorsque nous regardons un film chez nous, et c’est encore plus flagrant au cinéma, nous nous plongeons dans un univers, par l’image, le son, la musique… Les techniques actuelles augmentent encore cette immersion : la 3D, voir la 4D, la qualité du son améliorée et englobante (technologie ATMOS).

Et aujourd’hui, parfois même une image panoramique (technologie IMAX – ICE immersive). Le spectateur, installé confortablement dans son fauteuil, est plongé dans un univers qu’il a choisi, et regarde le film de manière sécurisée. L’obscurité de la salle empêche toute distraction.

Cette succession d’images, proposées en salle, a été travaillée, montée, associée à de la musique, des silences, pour transmettre des émotions chez le spectateur : tour à tour, de la tristesse, de la peur, du questionnement, du sentiment amoureux… Cette proposition sera plus ou moins perçue par chaque spectateur en raison de son humeur, de ses souvenirs, de sa sensibilité, de sa propre histoire, de la présence ou non, près de lui, d’une personne qui l’accompagne…

 

Edouard Baer, acteur et réalisateur français témoigne : « J’ai beaucoup de mal avec la fiction, avec les livres ou avec les films, ça me change entièrement du tout au tout. Je sors d’un film, je me dis : voilà ce que je veux faire ! Je peux sortir vraiment d’une connerie, sortir d’un film de mousquetaires et me dire « moi aussi bien sûr, je vais vous faire du cheval, de l’escrime » ; je peux sortir d’un polar « mais il faut que je m’engage chez les flics ! » Vraiment je marche ! …Et puis je pleure très facilement au cinéma aussi.« 

Lorsque nous nous plongeons dans une salle obscure, nous choisissons de vivre le cinéma, de passer un bon moment. Il peut nous mettre de bonne humeur, nous « plomber », parfois nous repensons au film quelques heures ou quelques jours plus tard, car il fait écho dans notre vie. Ce n’est pas tout à fait anodin, et certains films ont un impact sur nous, plus ou moins conscient. En allant voir des films, nous y cherchons certainement quelque chose.

Une identification du public aux personnages de fiction

Des chercheurs ont essayé de comprendre quel lien existait entre le spectateur et le héros du film qu’il regarde. Ainsi, plusieurs chercheurs débattent : Robin Wood (1965) et Coplan (2004), prétendent que le public s’identifie au personnage à l’écran, ressent ce que celui-ci ressent.
Mais Noel Caroll (1990) a lui une autre théorie : le public ne peut ressentir la même chose que le personnage à l’écran, puisqu’il a des informations supplémentaires au personnage, il ne peut de ce fait totalement s’identifier à lui, mais avoir peur pour lui par exemple, sans que lui-même soit effrayé par un danger réel qui le menacerait, parce qu’il n’est que spectateur de la scène.
Evidemment le travail du réalisateur, et son choix de mouvement et de positionnement de caméra par exemple est essentiel dans le rapport que nous aurons avec le personnage et avec l’action : la caméra suit-elle le mouvement ? Est-elle les yeux du personnage ? Est-elle posée en spectatrice et montre la scène dans son ensemble intégrant éventuellement des éléments non vus par le personnage ?

En 1896, les Frères Lumière organisent la première projection publique de l’histoire du cinéma avec le court métrage « L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat« . L’image est tournée de telle manière que les spectateurs, découvrant le cinéma, ont l’impression que le train leur fonce dessus ! Le journaliste Hellmuth Karasek rapporte dans Der Spiegel : « Ce court métrage a eu un impact particulièrement durable ; oui, il a provoqué la crainte, la terreur, et même la panique … ». Le cinéma vient de provoquer une première confusion entre la réalité et la fiction ainsi que ses premières émotions…

Jean-Luis Baudry (1986) dit plutôt que le cinéma entretient un flou imaginatif, nous ramenant à un temps régressif (stade du miroir de Jacques Lacan) où nous avions du mal à distinguer l’imaginaire du réel. Toujours est-il que nous avons tendance à préférer des films dans lesquels nous pouvons nous identifier à un personnage, qui peut parfois faire écho dans notre propre vie, nos propres envies ou souvenirs… d’où la variabilité des goûts dans le choix des films, et la possibilité de se souvenir des films que nous avons vus et des émotions qui les ont accompagnées.

Une entrée vers l’imaginaire

Pourquoi ce besoin de film ? D’imaginaire

Pour Kovacs (1980), la naissance du cinéma a permis d’exprimer de manière autorisée des rêves ou des pulsions, gardées refoulées. C’est ainsi que naissent des films sur le complexe d’Oedipe, comme le Chien Andalou de Luis Bunuel en 1928 ou des films d’horreurs type Psycho, d’Alfred Hitchcock en 1960. Mais où le cinéma s’arrête-t-il ? Peut-on et doit-on tout laisser s’exprimer ?
Le cinéma nous permet peut-être aussi de découvrir des pays, des personnes, des époques… Il peut aussi nous permettre de rêver d’une autre vie, de nous évader, de se prendre pour un super héros, ou un agent de la CIA, de tomber amoureux, de se permettre de retourner un peu en enfance…
Il nous projette vers un monde qui n’est pas le nôtre, mais dans lequel on semble s’identifier. Et même si l’on n’est pas les héros des films, et que les problématiques auxquelles ils sont confrontés ne sont pas forcément les nôtres, nous puisons malgré nous, un peu du courage des héros qui nous redonne de la force, ou nous pleurons avec eux à la mort d’un personnage : nous vivons de façon réelle des émotions malgré une histoire fictive ou un documentaire projeté sur grand écran. Nos émotions, sensations, et réflexions vécues lors de cette séance, et parfois par après, ne sont pas fictives, elles, elles sont réelles et bien vécues : notre corps garde trace de cette expérience cinématographique.

Un imaginaire qui se reflète sur nous

Cette identification, et plus précisément l’empathie que nous pouvons avoir avec le personnage, nous ramène à des expériences scientifiques et à la découverte de ce qu’on appelle les neurones miroirs. Rizzolatti (1992) a démontré sur des chimpanzés que lorsqu’on analysait le cerveau d’un chimpanzé observant un de ses semblables réaliser une tâche, les neurones de l’observateur s’activaient « comme si » lui-même réalisait l’action. Ces neurones s’appellent les neurones miroirs. Des expériences complémentaires furent dirigé en 2010 par Mukamel, montrant des résultats similaires dans la perception et l’intégration des émotions d’autrui.

En 1995, Perani montre l’existence de neurones miroirs « canonical neurons », s’activant rien qu’à l’évocation mentale d’une action, capacité particulièrement intéressante !
Gallese, en 2005, précise donc que lorsqu’un observateur regarde une personne réalisant une action, ou ayant des émotions, des neurones similaires s’activent dans son propre cerveau au moment de son observation, nous permettant finalement de comprendre les autres et de pouvoir interagir avec eux.
L’expérience cinématographique, semble comme la vie réelle nous impacter, mentalement, et émotionnellement, de quoi s’en servir pour nous faire du bien, nous comprendre, ou nous faire évoluer. D’après une étude faite aux États-Unis par Lampropoulos, Kazantzi et Deane, 67 % des psychiatres et psychologues utiliseraient « naturellement » la filmothérapie dans le traitement de leur patientèle. 88 % d’entre eux, estiment qu’elle consisterait en un complément efficace à la thérapie.

Créer notre propre film

Au cinéma, nous restons dépendants de la proposition du réalisateur et de l’impact sur nous de son film. Or notre capacité à imaginer et à nous projeter mentalement dans un univers est lui actif, et choisi.
Le travail effectué lors d’un exercice de sophronisation en sophrologie utilise cette capacité universelle à nous projeter : dans un souvenir, une image inventée, ou dans un futur ; et à en retirer physiquement, et émotionnellement tous les bienfaits. La plongée dans un univers choisi nous permet d’activer nos sens et nos émotions liés à cet univers ; sentir notre corps réagit à la manière d’un spectateur devant un film, vivre cette fois-ci notre propre film, laisser venir ce qui nous vient, ce qui apparemment nous fait du bien, laisser notre imaginaire courir pour nous permettre d’ancrer des sensations physiques bien réelles.

Mélanie Chevalérias, Sophrologue (Strasbourg)

 

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Références :